A) Le temps de l'action

 

1)     Les rythmes biologiques et la chronognosie  

Dès l’antiquité, les savants avaient remarqué la relative constance du « milieu intérieur » qui permet à l’organisme de survivre grâce aux variations nombreuses du temps cyclique et rythmique. Tous les êtres vivants sans exception sont constitués « d’horloges internes », ces horloges sont biologique et  déterminent notre mode de vie. Il existe différentes formes de temps biologique, permettant aux êtres vivants de se repérer dans le temps. L’ensemble des horloges biologiques est regroupé sous l’appellation d’horloge interne : elle évalue la durée d’un événement ou l’intervalle entre deux événements.

Le temps biologique est une accumulation d’impulsions neuronales, qui vont être stockées dans un registre mémorial. Plus le nombre d’impulsions enregistré est important, plus la durée est jugée longue par le témoin.

 

Au 18e siècle, on remarque que les plantes conservaient leur rythme diurne quand elles sont placées dans un lieu obscur. Une certaine puissance temporelle semble donc gérer le cœur même de l’organisme des êtres vivants. On appela cela ensuite l’horloge florale car il est possible de déterminer en ouvrant les feuilles d’une plante l’heure de la journée ou même les saisons (floraison au printemps pour certaines et décès à l’automne). Il y a donc une sorte d’autonomie de l’être vivant, un système rythmique qui gère l’organisme. C’est un phénomène biologique mais également psychologique car un animal peut se régler sur une heure différente. 

 

Cependant, avec l’absence d’horloge externe, tel que le soleil, les saisons etc, l’horloge interne ne nous permet pas de nous repérer précisément, nous ne savons plus estimer le temps.

Par exemple, Michel Siffre a passé 58 jours dans une caverne sans lumière naturelle. A la fin, il a estimé son séjour à 32 jours, soit près de la moitié de la durée : l’erreur est considérable, et à la fin de son expérience « hors du temps », il prenait son petit déjeuner vers 19 h et se couchait en fin de matinée. Nous avons donc l’intuition du temps car nous pouvons l’estimer, mais nous avons besoin néanmoins du soleil, horloge externe : c’est le principe de la chronognosie qui est une sorte de connaissance instinctive du temps.

 

 

2)    Les différents types de rythmes

Notre perception est marquée par différents rythmes. Ces rythmes sont une sorte de programmation, ils marquent des événements : le sommeil, les menstruations... Plusieurs rythmes existent, chacun étant prépondérant à une certaine fréquence.

Les types de rythmes se distinguent en trois grands domaines :

  • les rythmes circadiens, d'une période équivalant théoriquement à un jour (24 heures), mais qui varie en réalité de 20 à 28 heures ;
  • les rythmes ultradiens, c'est-à-dire d'une fréquence plus rapide qu'un rythme circadien, donc d'une durée théoriquement inférieure à 24 heures ;
  • les rythmes infradiens, c'est-à-dire d'une fréquence plus lente qu'un rythme circadien, donc d'une période supérieure à 24 heures. Parmi ceux-ci :  - les rythmes septénaires, d’environ une semaine,

                            - les rythmes séléniens, entre une semaine et 28 jours

                            - les rythmes circamensuels environ un mois

                            - les rythmes circannuels, ou saisonniers, pour les années ou les mois.

En fait, toutes les cellules de l'organisme, et pas seulement celles qui appartiennent aux structures cérébrales plus spécialisées, sont dotées d'une horloge propre qui est difficile à mettre en évidence in vitro dans les conditions habituelles du laboratoire. Benoît Kornmann et ses collaborateurs ont découvert la possibilité de laisser en activité ou d'annihiler l'horloge de cellules hépatiques ; cela a permis de déterminer que leur rythme circadien est à 90 % d'origine « locale » mais qu'il existe un impact « global » (central et/ou lié directement aux synchroniseurs externes)  de 10 % au moins. Cette part est très robuste et persiste lorsqu'on bloque l'horloge propre des cellules périphériques. Un synchroniseur est un facteur externe au cerveau, environnemental (cycle jour/nuit), parfois social, susceptible de modifier la durée ou la phase d'un cycle biologique. Les synchroniseurs ne créent pas les rythmes biologiques mais ils en modifient la période et la phase.

Les agents principaux d'entraînement des rythmes chez l'homme sont naturels avec l'alternance activité/repos, lumière/obscurité au niveau quotidien, ou encore la photopériode (jours courts / jours longs) et la température au niveau annuel ou saisonnier.

 

3)   Les conditionnements et apprentissages

Les réflexes conditionnels sont très importants pour l’homme car ils assurent un ajustement temporel de l’organisme en milieu extérieur ce qui est différent de l’horloge interne. C’est à des rythmes de temps régulier que les êtres vivants réagissent le plus (ex : quand on habitue un chien à venir manger quand on sonne une cloche à intervalle régulier, il a le réflexe de venir  au bon moment).

C’est ainsi que s’est développé le conditionnement instrumental, utilisé notamment pour les expériences de laboratoire : on conditionne le temps aux animaux en les habituant au rythme biologique que l’on souhaite. Les enfants ont également des difficultés à se repérer dans le temps. Petit à petit, ils améliorent leur régulation temporelle. On estime qu’à partir de 4 ans un enfant améliore des tâches de production de durée. C’est à cet âge qu’il devient difficile pour les enfants de transiter entre le « temps agi et perçu » et le « temps représenté »

Les rythmes internes, les horloges internes et externes ainsi que les réflexes temporels et les rythmes biologiques, sont donc des modélisations du temps inconscient pour l’homme et qui pourtant, gèrent tous les organismes vivants. C’est ce qui est appelé : « le temps de l’action ».

 

4)     Le temps physiologique et le vieillissement

Défini au 20e siècle, cette caractéristique du temps de l’action est biologique : elle s’observe par exemple par la cicatrisation des plaies. Plus l’organisme est jeune, plus les plaies se cicatrisent vite.

Une plaie qui cicatrise en 20 jours chez un enfant de 10 ans se cicatrisera en 31 jours à 20 ans, en 41 jours à 30 ans, en 55 jours à 40 ans, en 78 jours à 50 ans et en 100 jours à 60 ans.
A des âges différents, il faut des temps différents pour accomplir le même travail. En effet, si on renverse la perspective et qu'on mesure le temps physique au moyen du temps physiologique, on observe que le temps physique s'écoule plus rapidement à la fin qu'au début de la vie. Cela est en logique avec la sensation d’écoulement plus rapide du temps avec l'âge. Il faut admettre comme un fait réel qu'une année sidérale parait plus courte pour une personne âgée que pour un enfant.
Dans le même temps, il ne pourra pas réaliser autant d'activités ni vivre autant de sensations que l'enfant.

Le plasma également est plus efficace chez un individu plus jeune. Le temps écoulé affecte donc l’organisme en question et son activité. Il faut donc différentier l’âge physiologique qui est l’activité totale de l’homme, et l’âge civil qui correspond à son âge réel.

De 0 à 10 ans d’âge civil, l’âge physiologique augmente de façon exponentielle puis s’aplatit de plus en plus. A 12 ans, un enfant a déjà effectué un tiers de son âge physiologique, pour approximativement un sixième de son espérance de vie. Une durée du temps sera ressentie organiquement selon l’inverse du temps civil. En clair, plus on est âgé, plus les durées du monde extérieur semblent courtes, nous pouvons ici parler de fuite du temps.

Le temps joue donc un rôle essentiel sur notre vie, aussi bien dans notre organisation spatiale et notre mode de fonctionnement, ce  qui nous permet d’avoir des réflexes pour se repérer dans un milieu. Mais il joue aussi sur notre ressenti, qui modèle notre façon d’agir et notre vieillissement. Le temps de l’action est donc une façon pour l’homme de percevoir le temps et donc sur le point physiologique et psychologique de se repérer dans le temps. Seulement le temps de la communication influence également notre organisme et notre façon de vivre.

====>Le temps de la communication