B ) Relativité et espace
1) La relativité restreinte
Le XVIIème siècle est marqué par une grande avancée de la physique grâce aux travaux d'Isaac Newton. En effet, Newton est un des premiers scientifiques de son temps à se pencher sur la question de la relativité. En 1687, il publie ses "Principia Mathematica" où il expose son point de vue scientifique sur ce qui l'entoure : l'espace et le temps. Les notions d'espace et de temps absolu qu'il donnera perdureront pendant près de 200 ans jusqu'à ce que des physiciens comme Maxwell, Lorentz ou encore Einstein remettent en cause ses écrits (modèle newtonnien).
Albert Einstein travaillera sur cette notion de relativité appelée "relativité restreinte" aidé de la base posée par Newton, des équations de Maxwell faites auparavant, ou encore du physicien Hendrik Lorentz :
Il proposera deux postulats : le premier étant que les lois de la physique sont les mêmes dans tous les référentiels inertiels, c'est à dire un référentiel dans lequel un corps est en mouvement de translation rectiligne uniforme (l'objet va à une vitesse constante dans une direction donnée), le second étant que la vitesse de la lumière dans le vide à la même valeur dans tous les référentiels inertiels.
Suite à ses travaux sur la relativité restreinte, Einstein publiera en 1905 un article : Zur Elektrodynamik bewegter Körper (En français, De l'électrodynamique des corps en mouvement) dans lequel il expose de nouvelles notions fondamentales :
- L'espace et le temps sont liés, ce qui conclut que l'univers a donc quatre dimensions qui sont la longueur, la surface, le volume et donc, le temps.
- La matière et l'énergie sont équivalentes d'où la célèbre formule E=mc².
- La vitesse de la lumière est constante (299 792 458 m/s) dans le vide, et peu importe la vitesse de l'observateur.
Toutes ces nouvelles notions énoncent que toute expérience faite dans un référentiel inertiel se dérouleraient exactement de la même façon dans un autre référentiel inertiel.
Cette révolution dans le monde de la physique poussa Hermann Minkowski, qui fut un des professeurs d'Einstein à Zurich, à revoir la base même de toutes ces expériences : la représentation graphique de l'espace et du temps.
Hermann Minkowski était un mathématicien et physicien allemand qui fut à Zurich un des professeurs d'Albert Einstein.
En 1907, suite aux travaux de Lorentz et d'Einstein sur la relativité restreinte, il se rend compte que ce travail serait mieux compris dans un "espace plat". Il étudie donc le problème et en vient à réunir l'espace et le temps (que l'on avait l'habitude de dissocier à l'époque) sur un même plan, en un continuum espace-temps à 4 dimensions. Il donnera son nom à ce plan d'où la création de l'espace Minkowski qui aidera ensuite Einstein à développer sa théorie de la relativité générale. Il déclarera un an après en 1908 une de ses citations les plus célèbres qui illustre parfaitement le fruit de son travail :
“L’espace en lui-même, le temps en lui-même, sont condamnés à s’évanouir tels de simples ombres, et seule une sorte d’union des deux préserve une réalité indépendante.”
Mais qu'est-ce que réellement l'espace de Minkowski ?
En géométrie et en relativité générale, l'espace Minkowski est un espace mathématique en quatre dimensions modélisant l'espace-temps de la relativité restreinte. Rappelons les trois dimensions fondamentales :
- 1ère dimension : longueur - 2ème dimension : longueur/largeur
- 3ème dimension : longueur/largeur/profondeur
Suite aux notions exposées par Einstein en ce qui concerne le lien entre espace et temps, Minkowski restructure la représentation en trois dimensions de l'espace et y rajoute la quatrième dimension, le temps :
La surface carrée plane représente l'espace sur un référentiel inertiel et les deux cônes représentent le temps :
C'est à dire que tous nos référentiels inertiels sont représentés sur une surface plane croisée par deux cônes représentant le temps qui passe. Le cône inférieur appelé "cône de la lumière passée" représente donc le passé et par conséquent le cône supérieur "cône de la lumière future" représente le futur.
Cette représentation fut une véritable révolution puisque comme on l'a vu précédemment, avant la relativité restreinte, le temps et l'espace n'étaient jamais liés ou rarement. Il s'agit donc de la première représentation mêlant l'espace et le temps.
Quelques années plus tard, Einstein se rendra compte que sa théorie de la relativité restreinte avait atteint ses limites puisque de nombreux paradoxes qui sont présents sur son travail lui seront proposés comme celui de Langevin (paradoxe des jumeaux).
Le paradoxe des jumeaux est un paradoxe qui semble montrer que la relativité restreinte est contradictoire, voilà en quoi il consiste :
Des jumeaux sont nés sur Terre. L'un fait un voyage aller-retour dans l'espace en fusée à une vitesse proche de celle de la lumière. D'après le phénomène de dilatation des durées (le temps ne passe pas de la même façon partout) de la relativité restreinte, pour celui qui est resté sur Terre la durée du voyage est plus grande que celui qui est parti dans l'espace. Ce dernier rentre donc plus jeune que son jumeau sur Terre. Mais celui qui voyage considérera que c'est son frère, resté sur Terre, qui est plus jeune à la fin du voyage. Ainsi chaque jumeau pense, selon les lois de la relativité restreinte, retrouver l'autre plus jeune que lui.
Ce paradoxe est expliqué sur ces deux images :
Les commentateurs sont divisés pour répondre à ce problème :
- Certains soutiennent que le jumeau voyageur a moins vieilli que son frère sédentaire ce qui voudrait dire que la relativité restreinte n'est pas contradictoire puisque les deux jumeaux ne sont pas dans un même référentiel. Le jumeau sédentaire étant dans un repère inertiel alors que son frère ne l'est pas ce qui conclut que les forces physiques ne s'exercent pas de la même manière. (vu dans B.1)
- D'autres pensent que les jumeaux se sont revus en ayant toujours le même âge.
- Pour d'autres, c'est le jumeau sédentaire qui a moins vieilli que son frère voyageur.
- Et enfin, le dernier groupe "a vu, dans une généralisation du Principe de relativité, la méthode nécessaire pour résoudre au moins un aspect du problème"
Toutes ces incertitudes poussent Einstein à continuer et à développer ses idées quant à la relativité d'où sa célèbre théorie de la relativité générale.
2) La relativité générale
Albert Einstein n'était pas totalement satisfait de la relativité restreinte, comme nous l'avons vu auparavant, à cause du paradoxe de Langevin (les jumeaux) mais surtout car elle ne traitait pas de l'accélération et ne pouvait s'accommoder avec la célèbre loi de la gravitation universelle d'Isaac Newton. Une "expérience de pensée" met Einstein sur la voie. En 1907 alors qu'il prépare son article de synthèse sur la relativité, il réalise qu'"un homme tombant en chute libre du haut d'un toit" ne sent plus son poids, comme si les effets de la gravitation étaient annulés; et que tous les objets qu'il lâcherait tomberaient autour de lui dans un même "repos" apparent. Rien de bien nouveau à cela, puisque le phénomène de chute libre a été identifié dès le XVIème siècle par Galilée. Celui-ci a constaté que tous les objets tombaient avec la même accélération, leur vitesse croissant de la même façon si la résistance de l'air était négligeable. Lâchés dans le vide, une plume et un marteau toucheront donc le sol en même temps ! Mais ni Galilée, ni Newton, n'ont expliqué ce phénomène. Einstein, en revanche, y voit un indice révélant de la "vraie" nature de la gravitation. Si tous les objets soumis à un même champ gravitationnel tombent avec la même accélération, c'est que champ gravitationnel et champ d'accélération traduisent un seul et même phénomène.
Ce phénomène, dit phénomène d'équivalence, est illustré par cette expérience :
Deux personnes sont enfermées dans deux cabines identiques. L'une se trouve sur Terre, l'autre est accrochée à une fusée en accélération dans l'espace. Les deux personnes lâchent une pomme. Celui qui est sur Terre voit sa pomme tomber, donc accélérer sous l'effet de la gravité. La cabine qui est dans l'espace n'est pas soumise à la gravité mais elle est accélérée vers le haut par la fusée. La personne lâche sa pomme et elle tombe de la même manière que sur Terre alors que la cabine est tirée vers le haut par la fusée. Les deux observateurs sont donc dans l'incapacité de dire dans quelle cabine ils se trouvent. Les deux expériences précédentes se déroulent de manière totalement identique. Les lois de la mécanique sont donc les mêmes dans un système soumis à la gravité et dans un système accéléré.
Autrement dit, la gravitation ne serait donc pas une force d'attraction, agissant à travers l'espace, mais une propriété de l'espace lui-même !
Après avoir développé ses idées sur le principe d'équivalence (B.2), Einstein en vient à une nouvelle vision de la gravitation, complètement différente de celle d'Isaac Newton : la relativité générale. Avec cette nouvelle théorie, Einstein va totalement faire disparaître la notion de force de gravitation.
Pour Einstein, le mouvement d'un corps ne dépend pas des forces mais de la configuration de l'espace-temps. Par exemple, selon Newton la Lune tourne autour de la Terre car celle-ci exerce une force gravitationnelle sur notre planète alors que pour Einstein, c'est une perturbation de l'espace-temps introduite par la masse de la Terre qui est à l'origine du mouvement de la Lune.
Pour mieux comprendre cette idée, on peut représenter l'espace-temps par une sorte de tissu élastique. La présence d'une planète, la Terre par exemple, est simulée en posant une bille sur ce tissu. Celle-ci s'enfonce dans le tissu, le déforme et y crée une dépression. La Lune est représentée par une bille plus petite que l'on va faire rouler sur le tissu. Au début, sa trajectoire est droite mais lorsqu'elle passe à proximité de la première bille, elle pénètre légèrement dans la dépression. Elle est alors déviée de sa ligne droite et sa trajectoire se courbe. Sur le tissu élastique, le mouvement de la bille n'est pas exercé par une force mais par la courbure de celui-ci.
Par conséquent, plus un corps a une masse importante, plus l’espace-temps est déformé, et donc moins le temps passera rapidement à proximité de ce corps. Ainsi à proximité du Soleil, dont la masse est d’environ 2.1030 kg, le temps passera plus lentement qu’à proximité de Pluton qui est 100 000 000 plus légère.
Les trous noirs sont un cas extrême de la relativité générale : jusqu’à aujourd’hui le trou noir est l’une des entités physiques les plus lourdes jamais connues. En effet certains trous noirs peuvent atteindre une masse d’environ 17 milliards fois plus lourde que celle du Soleil. C’est-à-dire que l’espace-temps serait tellement déformé, dû à la masse très importante du trou noir, que la cavité s’étendrait jusqu’à l’infini (d'où l'absence du lumière émise) et qu’en conséquence le temps n’existerait pas une fois dans la singularité gravitationnelle du trou noir.
En conclusion, voici deux conséquences de la relativité générale qui découlent immédiatement du principe d’équivalence :
- D’abord, le fait que la matière ralentisse le temps. Imaginez l’expérience suivante. Vous vous trouvez au sommet d’une fusée en pleine accélération. Au bas de la fusée se trouve une horloge qui émet un signal lumineux toutes les secondes. Vous observez cette horloge et essayez de mesurer l’intervalle séparant deux signaux. Entre l’émission de la lumière et son arrivée à votre œil, la vitesse de la fusée augmente puisque celle-ci accélère. Le sommet a donc tendance à fuir devant les rayons lumineux et à retarder le moment du contact. En conséquence, les rayons lumineux n’arrivent pas à votre œil toutes les secondes, mais à un rythme légèrement plus faible. Vous observez que le temps indiqué par cette horloge s’écoule plus lentement que celui de la montre à votre poignet. Mais, d’après le principe d’équivalence, le même phénomène se produit si l’on considère un bâtiment à la surface de la Terre au lieu d’une fusée en accélération. En conséquence, le temps doit s’écouler plus lentement à la base d’un immeuble qu’à son sommet. Les habitants du rez-de-chaussée vieillissent un peu moins vite que ceux du dernier étage. Un effet étonnant mais vérifié par l’expérience. N’allez pas pour autant déménager de suite, la gravité de la Terre est très faible, ce qui rend cet effet complètement négligeable. La différence ne sera que d’une minuscule fraction de seconde sur toute une vie. Remarquons encore que contrairement à la dilatation du temps en relativité restreinte, le ralentissement du temps par la gravité n’est pas réciproque. En effet, si vous êtes au pied de la fusée et observez une horloge au sommet, l’accélération vous précipite vers les rayons lumineux. La durée de leur trajet est de plus en plus courte et le temps paraît s’écouler plus vite au sommet. En revenant au cas de l’immeuble à la surface de la Terre, c’est toujours encore à la base que le temps s’écoule plus lentement.
- La deuxième conséquence immédiate de la relativité générale est l’influence de la gravité sur la lumière. Imaginez-vous à nouveau dans la fusée en accélération. Cette fois-ci, vous allumez une torche lumineuse et vous la braquez perpendiculairement à la direction du mouvement. Les photons qui quittent la torche ne sont plus liés ni à la lampe, ni à la fusée. L’accélération induit donc un léger décalage entre la hauteur de la torche et le point où les rayons lumineux atteignent la paroi de la fusée. La lumière ne se déplace plus en ligne droite mais est légèrement déviée vers le bas dans la fusée. Or, d’après le principe d’équivalence, la situation est la même dans un champ de gravité : en présence d’une masse, un rayon lumineux est dévié. Cela signifie que si vous allumez une lampe sur Terre, la lumière ne se propagera pas exactement en ligne droite, mais suivra une trajectoire légèrement courbe du fait de la gravité de notre planète. L’effet sera évidemment très faible et passera inaperçu, mais pour des champs gravitationnels plus fort, il sera tout à fait appréciable.